La rupture est décidément un concept qui fait florès – mais pas toujours là où on l’attend. Avouons qu’il est toujours étonnant de voir une formation politique que l’on a bien connue, où l’on a longtemps milité, renier sa propre identité sur un coup politique. C'est pourtant ce que vient de faire la LCR, ou plutôt le NPA, en présentant sur sa liste pour les régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur une jemme voilée, et en l'assumant crânement – Olivier Besancenot allant jusqu'à traiter d'i"slamophobes" les dizaines de réactions hostiles et indignées.
La France, vient-on nous expliquer, « a changé », et on peut aujourd’hui porter le voile et être une militante laïque, altermondialiste et anticapitaliste. Ce voile ne serait qu’un choix personnel de l’ordre de l’intime, et ne devrait donc même pas être remarqué ou faire l’objet d’un débat.
Ceci est pourtant une position intenable. Le voile a ceci de particulier qu’il est un signe religieux très visible, exportant d’une certaine manière la dimension intime du religieux sur la place publique. Il s’expose au regard de chacun, le contraignant d’une certaine manière à l’accepter, et plus encore dans le cas d’une candidate à un mandat d’élu, qui est un personnage public. Par ailleurs, quelqu’un qui brigue un mandat doit d’une certaine manière représenter en personne et illustrer les valeurs et l’éthique qu’il défend ; en l’occurrence, la dissimulation du visage de la femme et le postulat de son infériorité, ou de sa soumission, à l’homme, n’ont jamais été des valeurs de gauche, et encore moins du trotskysme.
La LCR avait fait Mai 68 pour libérer la société, et porter la libération sexuelle ; elle avait diffusé le manifeste de Wilhelm Reich, et contribué à la fondation du MLF. Il était alors inimaginable qu’elle puisse un jour présenter une femme voilée à des élections, en se réfugiant derrière l’argument du multiculturalisme. Tout simplement parce que cette LCR était vraiment révolutionnaire et voulait, en conséquence, libérer la femme et l’homme de toutes leurs chaînes.
En réalité, le parti précédemment connu comme la LCR et aujourd’hui nommé NPA, vient d'opérer, plus qu'une rupture, un retour en arrière : Il faut mettre de côté les réserves que pouvait susciter tel ou tel compagnon de lutte et faire front commun, par machiavélisme, contre l'ennemi impérialiste. L'ennemi de mon ennemi est forcément mon ami, en somme. Qu'importe que l'on voile les femmes et qu'on les rabaisse, si on est « altermondialiste » et « anticapitaliste » !
Trotsky, aujourd’hui, doit se retourner dans sa tombe. L’histoire nous a appris que quand on commence à théoriser l’idée que la fin justifie les moyens, en général, ça se finit justement très mal.
Source : betapolitique