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8 juillet 2010 4 08 /07 /juillet /2010 08:57


En 2009, l’Algérie se classait à la 111ième position – sur 180 pays - dans l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) établi par l’ONG Transparency International (TI). Cela correspond à une note de 2,6 sur 10. Selon toute vraisemblance, le classement pour l’année 2011 sera tout aussi désastreux, affirme Djilali Hadjadj, porte parole de l’Association Algérienne de lutte Contre la Corruption (AACC), membre de Transparency International.

Par Maghreb Emergent

La régression de l’Algérie dans le classement de l’IPC au cours des dernières années est assez préoccupante. Pour vous, quel portrait pouvez-vous nous brosser du phénomène de la corruption aujourd’hui?

Une note inférieure à 3 sur 10 implique forcément un haut niveau de corruption à l’intérieur des hautes sphères des institutions étatiques. Que ce soit l’organe législatif, exécutif ou bien judiciaire, les institutions publiques algériennes sont gangrenées par la corruption aujourd’hui. Il n’y a qu’à prendre par exemple la non-application, à ce jour, du processus de déclaration du patrimoine défini par la loi 06/01 du 20 février 2006. La complexité de ce texte – des catégories de déclarants et des niveaux de gestion des déclarations sont assez difficile à comprendre – complique davantage la tâche à une réelle volonté politique d’appliquer les lois déjà existantes de lutte contre la corruption. Rappelons que l’Algérie a ratifié en 2004 la Convention des Nations unies contre la corruption et adopté la loi de 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Là également, on constate que la mise en place d’une Agence gouvernementale contre la corruption prévue par cette loi n’est toujours pas concrétisée. De même pour la Convention de 2004 où l’on perçoit un réel désengagement de l’exécutif algérien, voire même une opposition officielle, à la mise en place de mécanismes internationaux de suivi de son application. On le voit donc, les exemples ne manquent pas pour illustrer une insuffisante prise en charge de ce problème. Plus grave encore : cette situation inquiète de plus en plus nos partenaires européens et américains qui se préoccupent de l’ampleur que prend ce phénomène et, surtout, de l’absence de réelles initiatives de la part des autorités algériennes. Je ne vous apprends rien en vous disant que les relations économiques avec des opérateurs étrangers peuvent être largement compromises par un climat de corruption généralisée.

L’application des lois contre la corruption n’est donc toujours pas effective…

Absolument! Il n’y a qu’à constater le nombre alarmant de scandales de corruption dans les opérations économiques et financières d’entreprises étatiques. Tout le monde a à l’esprit l’affaire Sonatrach, par exemple. Mais ce n’est pas la seule, il en existe plusieurs autres. Je pense notamment au secteur des travaux publics – l’autoroute Est/Ouest – ou bien à celui de la pêche. Sans parler des poursuites judiciaires contre les walis de Blida et d’El Tarf qui sont demeurées à ce jour, au point mort. C’est tout de même aberrant que la Cour Suprême devienne un lieu de blocage judicaire. Toutes ces affaires sont finalement le résultat de règlements de compte. Récemment, à l’occasion des sommets du G20 et du G8, le Président Bouteflika a lancé un cri d’alarme sur l’état de la criminalité et de la contrebande en Afrique. Un paradoxe quand on pense à l’état d’inertie des politiques menées pour venir à bout de ces fléaux ici même en Algérie.

Le fameux Observatoire national de surveillance et de prévention de la corruption, institué en 1996 par l’ancien président Liamine Zeroual, est-il la dernière tentative?

Pour en revenir à la mise en place de l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption, inscrite dans la loi de 2006 est toujours en attente d’être mise en service, la directive adressée par le Chef de l’État à son Premier Ministre, Ahmed Ouyahia, en décembre 2009, prévoit plutôt la création de deux instances distinctes, et non pas seulement une seule entité qui serait chargée, à la fois, de prévenir et de lutter contre la corruption.

Cette directive prévoit en effet la création d’un « Observatoire de prévention de la corruption » et d’une « Agence de répression de la corruption ». Il semble à priori incompréhensible que l’on décide de l’instauration d’un observatoire de prévention de la corruption sans apporter des modifications à la loi de 2006 et annoncer préalablement la décomposition de « l’organe » en deux entités. C’est là un manque de rigueur qui illustre l’absence de cohérence et de volonté politique pour mener de front une lutte efficace contre la corruption.

Comment accueillez-vous la récente demande initiée par le député Ali Brahimi et parrainée par 24 autres de ses collègues de créer une commission d’enquête parlementaire sur le phénomène de la corruption?

Ce genre d’initiative est évidemment à saluer et à encourager. Je soutiens à tout point de vue le développement de ce dossier. Habitués à être désavoué par l’ensemble des citoyens algériens, à travers cette démonstration, les députés de l’APN font montre de beaucoup de courage. Je mets tout de même un bémol quant à la concrétisation réelle de cette commission. En effet, je ne me fais pas beaucoup d’illusion quant à l’adoption par l’ensemble de la classe politique d’un tel projet. De même que pour la lettre instruite par Ahmed Ouyahia et diffusée sous forme de circulaire qui fait état, entre autres, de l’implication de certains cabinets d’étude étrangers dans des pratiques contraires à la loi et à la morale publique. C’est à la fois un bilan complet du phénomène de la corruption en Algérie que dresse le Premier ministre, mais également des questionnements pertinents qu’il soulève sur son évolution. C’est un signe encourageant dans la lutte contre la corruption. Néanmoins, il aurait été beaucoup plus constructif d’en faire une déclaration publique plutôt que de communiquer sous forme de directives aux opérateurs concernés.

 

 

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