Par Charlotte
Trillaud
L’Europe compte plus de 250 millions de femmes mais, si elles représentent 52, 6 % de la population, très peu osent
cependant ambitionner un poste au sommet de l’Union européenne. L’année 2010 doit être un tournant pour les institutions européennes : en effet, le Parlement et la Commission viennent d’être
renouvelés pour un nouveau mandat, et le traité de Lisbonne doit commencer à s’appliquer.
Entre autres changements, la « Charte européenne des droits fondamentaux » devient juridiquement contraignante pour tous les États membres. Or,
celle-ci stipule que l’égalité des hommes et des femmes doit être respectée « dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération » (article
23), et autorise la mise en œuvre de mesures positives afin d’atteindre cette égalité. Malheureusement, plusieurs éléments nous font penser que cette égalité formelle est bien loin d’être
atteinte. Quelques exemples :
La parité au sein des institutions
Il est tout d’abord possible de regretter que la nouvelle Commission ne compte que neufs femmes dans ses rangs, ce qui est
une régression par rapport à la composition de la Commission de 2004, et reste évidemment loin d’une parité réelle, qui serait d’au moins 13 femmes commissaires !
Le Parlement européen, pour sa part, ne comptait, durant le mandat 2004-2009, que 31 % de femmes pour 69 % d’hommes, chiffre qui s’élève désormais à
35 % pour la nouvelle législature. Cette répartition est malgré tout plus égalitaire qu’au niveau national, où, en France par exemple, l’Assemblée nationale ne compte que 107 femmes sur un
total de 577 députés. Si le nombre de femmes élues en France au Parlement européen reste relativement stable – et élevé – avec un nombre de 32 élues sur 72 députés (soit 45, 5 %), deux
pays européens ont élu pour ce nouveau mandat, plus de femmes que d’hommes !
En effet, pour la première fois, la Finlande a élu 61, 5 % d’eurodéputées, et la Suède 61 % d’élues. Les pays nordiques restent ceux qui envoient le
plus de femmes dans l’hémicycle européen tandis que les pays qui placent le moins de femmes en position éligible sont le Royaume-Uni (32 %), la Belgique (32 % également), la Grèce
(32 %), Chypre (33 %) et la Lituanie (33 %).
Des inégalités tenaces
L’Europe avait pourtant offert, dès la ratification du Traité de Rome en 1957, un cadre juridique permettant de lutter contre les discriminations faites aux
femmes en posant le principe d’égalité de rémunération. Malgré le corpus législatif de l’UE, les femmes restent les premières victimes de la crise économique, du fait d’une proportion élevée
d’entre eux elles qui travaillent en contrat précaires, ou en mi-temps, voire tiers temps, ce qui est en partir dû au rôle traditionnel de la femme vis-à-vis de l’éducation des enfants, et le
manque de structures d’accueil.
Le rapport
d’initiative approuvé au Parlement européen ce lundi, souligne en premier lieu que près d’une femme sur quatre dans l’UE souffre de violence physique et plus de 10% de violence sexuelle. De
plus, l’assemblée a rappelé que les femmes doivent disposer du contrôle total de leurs droits sexuels et reproductifs, et propose de mettre en œuvre des mesures pour faciliter l’accès gratuit des
femmes à la contraception et l’avortement. Le député belge a également appelé la commission à favoriser l’accès des postes à responsabilités pour les femmes, à l’instar de la Suède.
En effet, la situation des femmes en Europe est loin d’être la même d’un pays à l’autre de l’Europe, certains pays disposant d’un cadre législatif national
permettant de lutter contre les discriminations sur la base du genre, comme l’Espagne, championne dans le domaine, ou encore la Suède, reconnue par l’ONU en 1995 comme pays « le plus
égalitaire du monde », qui a remplacé les congés de maternité par des congés parentaux rémunérés. Par contre, d’autre États membres, comme la Pologne, l’Irlande, Chypre et Malte,
maintiennent la criminalisation de l’avortement. Ces pays ne tolèrent en effet l’avortement qu’en cas de risque pour la vie de la mère ou encore suite à un viol. Pratiquée légalement en Pologne
pendant plus de quarante ans, l’IVG a été de nouveau interdite en 1997 notamment sous l’influence de l’église catholique, au travers d’une loi très restrictive.
La clause de l’européenne la plus favorisée
Face à ces disparités, l’association Choisir la cause des femmes, fondée par Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi, a proposé un nouveau concept
clés pour les politiques européennes de parité, la clause de l’européenne la plus favorisée. Il s’agit d’appliquer pour un certains nombre de points, dans l’ensemble de l’UE, les dispositions
réglementaires de l’État membre de l’UE les plus avantageuses pour les femmes, afin de définir un socle juridique minimum pour toutes les européennes. Les thèmes fondamentaux sur lesquels
portent leurs revendications sont : le choix de donner la vie (droit à l’avortement et à la contraception, par ex.), le droit de la famille (partage des tâches), la lutte contre les
violences faites aux femmes, l’accès au travail dans l’UE, et le monde la politique.
Cette clause a l’avantage, quelque soit le domaine de législation, de concevoir les garanties et droits sociaux de l’Union européenne en fonction des réglementations les plus avancées et les
plus protectrices existant dans chaque État membre. En effet, cette clause va à l’encontre d’une pratique aujourd’hui plus que répandue dans les processus décisionnels communautaires :
elle propose de prendre ce qu’il y a de meilleur dans chaque législation, plutôt que d’établir des réglementations a minima, qui, pour obtenir un consensus, aboutissent à un nivellement par le
bas, et à minimiser les réglementations dans tous les domaines.