Le chiffre est issu de source officielle, mais est difficile à vérifier. Ils seraient plus de 130 Français ou résidents en France à combattre actuellement en
Syrie. L’estimation vient du ministre de l’Intérieur français, Manuel Valls, interrogé jeudi 19
septembre sur France Inter. Par ailleurs, "une cinquantaine sont revenus, une quarantaine sont en zone de transit et une bonne centaine ont déjà, selon nos services de renseignement, montré
qu'ils pouvaient se rendre là-bas", a-t-il précisé.
Frédéric Pichon, historien spécialiste de la Syrie, juge pour sa part que ce chiffre n’est "pas surprenant". "Est-ce que la DGSE [service de renseignement
extérieur français, NDLR ] a vraiment les moyens de comptabiliser tous ces combattants ?
Le profil de ces combattants est assez similaire, selon le ministre de l’Intérieur : il s’agit "d'individus jeunes", "ayant connu souvent déjà un parcours
délinquant", "radicalisés le plus souvent". "C'est un phénomène qui m'inquiète, parce qu'ils représentent, avec leur retour sur notre sol, un danger potentiel", a insisté Manuel Valls.
L'affaire Mohamed Merah avait pointé l'incapacité des services français à détecter un terroriste potentiel figurant déjà dans leurs dossiers pour avoir, entre autres, séjourné au Pakistan.
Depuis, les autorités redoublent de vigilance. Début septembre, cinq Français ont été arrêtés après le braquage d'un restaurant Quick des Yvelines, dont le
butin était semble-t-il destiné à financer un départ pour la Syrie.
"Le djihad à portée de clic"
Selon Frédéric Pichon, internet est l'un des éléments essentiels qui pousse les Français à rejoindre le djihad en Syrie. "C’est le djihad à portée de clic",
explique le spécialiste qui observe "une véritable propagande pour ce type d’engagement" en Syrie. La Toile avait déjà joué le même rôle pour attirer les combattants français sur d’autres
terrains, comme l’Afghanistan, rappelle-t-il.
Mais selon Manuel Valls, ce qui se passe en Syrie est "un phénomène sans commune mesure avec le nombre de Français qui avaient pu se rendre, par exemple, en
Afghanistan ou au Pakistan." Alors pourquoi cette affluence en Syrie plus qu’ailleurs ? Tout simplement pour des raisons géographiques, estime Frédéric Pichon. La Syrie se situe à une distance
plus accessible que les terrains asiatiques pour les combattants venant de l’Hexagone.
De plus, le circuit emprunté joue sur "la porosité de la frontière turque", observe le chercheur. Parmi ceux qui tentent leur chance en Syrie, beaucoup profitent
de la liberté de circulation offerte par l’espace Schengen jusqu’en Grèce ou en Bulgarie pour rejoindre la Turquie. Sans oublier ceux qui passent par le Liban ou, peu nombreux, ceux qui tentent
de se frayer un chemin en Syrie via la Jordanie.
La position de la France, un encouragement
Selon Frédéric Pichon, un autre facteur pourrait expliquer l’affluence des djihadistes français en Syrie : la position de la France vis-à-vis du régime de Bachar
al-Assad. "Le ministre des Affaires étrangères a déclaré en 2012 qu’il fallait ‘abattre ce régime’. On peut y voir une certaine forme d’encouragement pour ces combattants", estime l’historien,
même si ce n’était absolument pas le but recherché par Paris. "La position de la France peut parfois rencontrer celle des djihadistes", ironise-t-il.
Pourtant, la position diplomatique française n’a rien d’un atout pour ceux qui souhaitent combattre aux côtés des rebelles. "Ils risquent d’être déçus s’ils
croient que la rébellion va leur faire un accueil enthousiaste, juge Frédéric Pichon. Il y a une certaine amertume sur le terrain car le soutien de la France n’est pas jugé suffisant. Sans
compter le risque que ces combattants se fassent escroquer ou capturer par des bandes rebelles." Des mauvaises rencontres impossibles à prévoir, compte tenu de la complexité grandissante du tissu rebelle où se côtoient laïcs, islamistes et trafiquants.